dimanche 6 novembre 2011

Adaptation d'une adaptation

Tout en cherchant au départ à être le plus fidèle possible au récit de Kafka, je me le suis approprié comme s’il s’agissait d’un scénario inédit et non d’une adaptation. De façon à ce que le produit final ressemble à une BD, j’ai mis le texte original de côté pour tout réécrire. J’ai aussi, inévitablement, simplifié et abrégé, sans quoi je me serais retrouvé avec un album de mille pages. Mon but n’est pas de vulgariser l’œuvre de Kafka pour la rendre accessible (elle n’en a pas besoin), mais simplement de réaliser un bon album.

L’idée m’est venue d’effectuer une petite expérience en prenant une courte séquence de la BD et en refaisant en sens inverse le processus d’adaptation, pour lui donner la forme d’un passage de roman. Il y est question d’une rencontre quelque peu stressante avec un agent de police.

Voici ce que ça donne :

L’officier les regarda d’un œil soupçonneux.

- On peut la voir, cette convocation ?

- Tout de suite, monsieur l’agent, répondit Karl sans broncher.

- Je...je ne sais plus où j’ai mis le papier! bredouilla Brunelda.

Désespérée, au bord de la panique, elle se mit à fouiller sous la couverture et dans les replis de sa robe, avec l’aide de Karl.

- Je vous assure, dit ce dernier, qu’il y a bel et bien une convocation et que nous allons la retrouver!

- Bon, ça suffit, pas d’histoires !

L’agent commençait à s’impatienter.

Ce fut Karl qui finit par retrouver le document. Il le tendit au policier.

-Ho ! Ho ! Je vois ... dit ce dernier avec un sourire entendu, en apercevant l’entête de l’Entreprise 25. C’est LÀ que vous conduisez Mademoiselle...

Bon, ça va, circulez, ajouta-t-il d’un ton sec, en indiquant de son bâton le chemin à Karl, qui recouvrit de la couverture la tête de Brunelda et s’éloigna en poussant un soupir de soulagement.

Ce passage diffère évidemment du texte d’origine, que je reproduis ici, pour fins de comparaison (dans la traduction d’Alexandre Vialatte) :

- Montrez donc, Mademoiselle, dit-il, le papier que vous avez reçu.

- Ah ! en effet, dit Brunelda, en se mettant à chercher si désespérément qu’elle n’en parut que plus suspecte.

- La demoiselle, dit l’agent avec une indubitable ironie, ne va pas retrouver le papier.

- Mais si, dit Karl très calmement, elle l’a sûrement, mais elle ne sait plus où.

Il se mit à chercher lui-même et, de fait, le trouva, dans le dos de Brunelda. Le sergent de ville n’y jeta qu’un coup d’œil.

- C’est donc ça ? dit-il en souriant. Voilà donc ce qu’est la demoiselle ! Et c’est vous, petit, qui faites l’intermédiaire et qui assurez le transport ? Vous ne pouvez pas trouver quelque chose de mieux ?

Karl se contenta de hausser les épaules, il faut toujours que la police se mêle de tout.

- Eh bien ! bon voyage, dit l’agent, voyant qu’il ne recevait pas de réponse.

L’expression devait être méprisante, et Karl repartit sans saluer ; mais le mépris, de la part de la police, est préférable à l’attention.

Est-il besoin de le dire, je ne suis pas Kafka.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire