mardi 22 novembre 2011

Des Chefs et des Indiens

Au cinéma, c’est toujours le réalisateur qui est considéré comme l’auteur d’un film. L’apport du scénariste n’est certes pas négligeable, mais on s’entend généralement pour dire que, s’il fournit le point de départ, la matière brute, l’essentiel du travail de création est entre les mains du réalisateur. En bande dessinée, par contre, l’usage veut qu’on donne un crédit égal au scénariste et au dessinateur (dans les cas, bien sûr où il s’agit de deux personnes différentes), en accordant même parfois plus d’importance au premier.

Pourtant, la contribution du dessinateur de BD équivaut bien à celle du réalisateur de cinéma, et même davantage. Le dessinateur, assume, en plus de la mise en scène, les responsabilités des prises de vues, cadrages et éclairages, des décors et des costumes. Il doit même se faire comédien et jouer tous les rôles.

Je m’interroge.

Loin de moi l’idée de vouloir minimiser le rôle du scénariste. Après tout, il faut une bonne histoire pour faire une bonne BD. Mais une bonne histoire n’est rien s’il n’y a personne pour lui donner vie. Le dessinateur peut à l’occasion publier un recueil de croquis et d’esquisses, exposer ou vendre des planches originales. Mais qui est intéressé à lire des scénarios ? À la limite, un récit incohérent et mal foutu peut donner quelque chose de valable s’il est traité avec style et imagination. À l’inverse, la meilleure histoire est sans intérêt si elle est mal dessinée. Et quand je dis «bien» ou «mal» dessiner, il faut comprendre que le dessin de BD a ses critères de qualité spécifiques, distincts des Beaux-Arts ou de l’illustration. En BD, un dessin grossier ou maladroit (en apparence) peut être génial, tandis qu’une superbe illustration peut être une mauvaise case de BD si elle ne fait pas le travail.

À propos de travail, il y a une disproportion énorme entre les heures fournies par le dessinateur et celles fournies par le scénariste. Le rapport est variable, mais peut se situer autour de dix contre un. Et pourtant, lorsque vient le temps de répartir les droits d’auteur, les deux reçoivent à peu près autant. La chose pourrait se justifier si le scénariste était le véritable créateur et le dessinateur un simple exécutant. Or, on vient de le voir, il n’en est rien. Il y a bien, parmi les dessinateurs un certain nombre de tâcherons inintéressants, mais pas plus que dans n’importe quelle discipline. Je sais par ailleurs que le mérite artistique ne se mesure pas en nombres d’heures de travail. On peut pondre un chef-d’œuvre en quinze minutes ou bien passer des années à élaborer une merde totale.

Ce ne sont là que quelques réflexions purement gratuites que je lance au hasard. Je peux porter aussi bien le chapeau du scénariste que celui du dessinateur et je n’ai pas l’esprit corporatiste. Je ne revendique rien et, qu’on ne se méprenne pas sur mes intentions, je ne cherche pas par ce moyen à régler quelque litige personnel que ce soit. Si c’était le cas, je ne le ferais pas ici.

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