samedi 30 janvier 2010

Sur un air d'opéra

L’ex-cantatrice Brunelda, diva capricieuse, insupportable et quelque peu adipeuse a quitté la demeure cossue où elle habitait jadis avec son riche mari pour s’installer dans un appartement miteux au dernier étage d’un tenement house des faubourgs, où elle vit recluse en compagnie de son amant Delamarche et de son valet Robinson, entourée de ses meubles, vêtements et souvenirs entassés pêle-mêle, et d’où elle ne sort jamais.

On voit ici Karl pénétrant pour la première fois dans l’univers de la Brunelda qui, telle une reine en exil, trône sur le canapé en écoutant de l’opéra.

Je ne suis pas un spécialiste, mais j’ai trouvé que l’air «Vissi d’arte», tiré de l’opéra «Tosca» de Puccini, était celui qui collait le mieux au personnage. L’héroïne, Floria Tosca, est elle-même une cantatrice au destin tragique. L’œuvre, créée en 1900, est presque contemporaine du roman de Kafka.


J’ai retranscrit dans l’image les paroles de l’aria, qui font en quelque sorte partie du décor tout au long de la séquence. Il est assez rare que j’écoute de l’opéra en travaillant, mais ça m’arrive. Pour me mettre dans l’ambiance lorsque j’ai dessiné cette case, j’ai dû écouter «Vissi d’arte» une bonne vingtaine de fois.

mardi 19 janvier 2010

Métaphores canines

À la page 106 de l’album, Karl et Robinson sont relégués sur le balcon de l’appartement, alors que Delamarche donne son bain à Brunelda. Robinson se lamente sur son sort, se plaint de sa condition de domestique, du peu de respect qu’ont à son égard Delamarche et Brunelda, et se compare lui-même à un chien (la référence canine n’apparaît pas comme telle dans le texte du roman, mais elle est implicite).


En travaillant sur les esquisses, j’ai pensé pousser un peu plus loin la comparaison avec une petite touche surréaliste, en donnant à Robinson l’aspect d’un chien, un peu comme Gregor Samsa transformé en cafard dans La Métamorphose. Sauf qu’ici, la transformation ne dure que le temps d’une case et reste partielle : ou bien je dessine la tête de Robinson avec un corps de chien, ou bien je fais l’inverse.


De cette façon, cependant, l’image et le dialogue disent exactement la même chose. Bien que je ne déteste pas l’effet de pléonasme ici, je peux aussi l’atténuer ou l’éliminer en modifiant la réplique de Robinson. Il pourrait dire : «À force d’être traité comme un chien, on finit par s’habituer ...», ou encore : «À force d’être traité ainsi, on finit par perdre sa dignité». Mais je ne suis pas sûr que Robinson connaisse le sens du mot «dignité».


J’ai donc le choix entre sept options différentes. Mais ce n’est pas tout : Karl est aussi présent dans la case. Il peut conserver l’expression neutre qu’il a dans la première version, ce qui implique qu’il ne voit pas la transformation de Robinson, laquelle transformation n’est alors qu’une image, une métaphore destinée au lecteur.

Mais il peut aussi réagir à la métamorphose, comme s’il la voyait lui aussi. Il est d’ailleurs tout à fait plausible qu’il ait des hallucinations, étant donné l’état de grande fatigue dans lequel il se trouve.

De plus, l’intensité de sa réaction peut aussi varier : Karl peut manifester une stupéfaction extrême (après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on voit un humain se transformer en chien, ne serait-ce que partiellement) ; il peut aussi montrer une légère perplexité, comme s’il n’était pas tout à fait certain d’avoir bien vu.


En combinant avec les options précédentes, j’arrive à un total de dix-neuf possibilités. On peut dire que j’ai le choix. J’ai le temps aussi, puisque je n’en suis qu’aux esquisses et que, au train où vont les choses, je ne crayonnerai pas cette page avant quelques semaines. Si quelqu’un a une opinion ... Je précise que le choix n’a pas d’incidence sur la suite, puisque la vision s’efface à la case suivante.

OUF ! Heureusement que je n’ai pas besoin de faire pareil exercice pour toutes les cases !

vendredi 15 janvier 2010

Les trois Grâces

«Quelques portes plus loin, deux femmes étaient sorties dans le corridor, et, tout en essuyant leurs mains sur leurs tabliers, elles regardaient Delamarche et Robinson, dont elles semblaient s’amuser. Une toute jeune fille, dont les cheveux blonds brillaient beaucoup sortit d’une porte et, se faufilant entre les deux commères, se pendit à leurs bras.

- Quelles sales femmes ! fit Delamarche à demi-voix … »

Franz Kafka, L’Amérique, traduction Alexandre Vialatte

mardi 5 janvier 2010

J'aime les chiffres ronds


J’ai complété le crayonné de la page 100 de l’album. Il ne m’en reste qu’une cinquantaine à dessiner. Un peu plus, en fait, parce qu’à l’encrage, j’en suis environ à 93 pages et à 80 pour les tons de gris. Tout de même, c’est pas le centenaire du Canadien, mais c’est une étape.

Quand je pense que le projet prévoyait initialement autour de 80 pages ...

J’ai hâte d’avoir terminé, mais, en même temps, je me demande ce que je ferai ensuite.