mardi 29 décembre 2009

Vestige

Karl, poursuivi par les policiers dans les ruelles du faubourg, a été sauvé in extremis par Delamarche. Ils restent à couvert un moment, puis Delamarche ramène Karl vers son appartement.

Comme on peut le voir, j’ai quelque peu modifié le dessin. Question de mise en scène. L’attitude physique et surtout la direction du regard des personnages parlent autant que le dialogue dans les bulles. Ici, dans la deuxième version, Delamarche semble dire : «La voie est libre, on peut y aller». Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais ce sont ces petits détails qui donnent de la vie à une BD.

Néanmoins, j’aimais bien la gueule de Delamarche dans la première version et je trouvais dommage de supprimer un bon dessin. J’ai donc numérisé le crayonné avant de le modifier, afin de le préserver pour la prospérité, et je le présente ici.

samedi 19 décembre 2009

Peur du noir

Dans le chapitre III, Karl livre un combat de lutte à la terrible Clara, dans une chambre obscure du manoir Pollunder. Comme la scène devait se dérouler dans le noir, que Karl porte un costume également noir et que j’ai parfois quelques difficultés avec le clair-obscur, je n’étais pas complètement satisfait de ces pages qui, après trois ans, continuaient de m’agacer, comme un vague sentiment de culpabilité dont on n’arrive pas à se débarrasser.

Dans une première version, encore assez ligne claire, presque sans ombrages, je me fiais surtout aux tons de gris pour rendre l’obscurité. Ce n’était pas suffisant. J’ai donc trafiqué les cases sur Photoshop, en ajoutant du noir, beaucoup de noir. Mais, par crainte de perdre les détails du dessin en les noyant dans la masse, j’avais conservé plein de lignes en renversé, qui n’étaient pas vraiment nécessaires et qui produisaient un effet plutôt déplaisant.




Tout récemment, j’ai décidé de retoucher ces cases en appliquant le vieux précepte de Wally Wood «When in doubt, black it out». L’œil reconstitue facilement les détails manquants. La différence est subtile, mais appréciable.

J’aurais sans doute pu pousser encore plus loin, mais je ne suis pas (et je ne veux pas être) Frank Miller.

Finalement, j’arriverai peut-être un jour à atteindre un niveau de dessin acceptable.

samedi 12 décembre 2009

Ce que je ne ferai pas non plus

Je me livrais récemment à un petit exercice de style d’inspiration vaguement manga. Je dis bien vaguement manga, car, dois-je le préciser, je n’ai jamais eu, comme certains lecteurs ont semblé le croire, la prétention de stigmatiser en une seule page l’ensemble de la production japonaise.

Cette fois-ci, je m’attaque à un autre style, qu’on retrouve beaucoup notamment dans la production française actuelle, style que je qualifierais d’overdessiné : anatomie et perspective rigoureuses, traitement pictural rendant systématiquement les volumes, les textures, les ombres et les lumières. Bref, ce que le commun des mortels appelle généralement «bien dessiné».

Plusieurs auteurs de BD dessinent ou essaient de dessiner de cette façon. S’ils travaillent beaucoup et s’ils sont suffisamment habiles, ils deviendront peut-être assez compétents pour se faire une place au soleil (notez ici l’allusion subtile), mais sans se démarquer vraiment de l’ensemble de la production.

Pour ma part, j’ai depuis longtemps tourné le dos à cette façon de faire, soit parce que :

a) je ne suis pas assez habile

b) ça demande trop de temps

c) je trouve ça sans intérêt.

Pour en avoir le cœur net, j’ai tenté un nouvel exercice de style contre-nature, à partir d’une case déjà dessinée. J’ai refait un crayonné sur papier, que j’ai ensuite finalisé et coloré sur Photoshop. Je n’en suis pas mécontent, mais ça m’a pris un temps fou. À ce rythme, j’en aurais pour dix ans à terminer l’album.

On peut comparer cette version avec l’original ligne claire en noir et blanc (voir message précédent). En fait, j’ai toujours été incapable d’adopter un style mitoyen, combinant modelé et dessin au trait. C’est l’un ou l’autre.

Idéalement, il faudrait, pour bien en juger, étendre l’exercice à une page, ou même à l’album au complet, chose que je ne ferai certainement pas.

samedi 5 décembre 2009

Hergé a-t-il lu Kafka ?

À la page 98 de l’album, on voit Karl poursuivi par un policier se retrouver face à face avec un autre agent (en fait, les cases qu’on voit ici font suite à la page que je présentais dans mon précédent message).

Cette scène rappelle curieusement une page de Tintin en Amérique. La mise en scène est un peu plus burlesque et, visiblement, Hergé ne s’est pas trop cassé la tête avec le décor. Mais il y a quand même une similitude évidente.



Avant que la fondation Moulinsart ne me tombe dessus, je ferai remarquer que j’ai simplement suivi, dans les grandes lignes, ce qui se passait dans le roman, comme on peut le lire dans ce passage :


«...il s’apprêtait à ramasser toutes ses forces pour un sprint afin de dépasser le plus vite possible la première rue latérale, quand il aperçut près de là un policeman à l’affût ... prêt à lui bondir dessus ... N’hésitant plus un instant, il tourna à angle droit sur un pied pour surprendre de son mieux les policemen.»

Franz Kafka, L’Amérique, traduction Alexandre Vialatte.


Hergé aurait-il lu Kafka ?