jeudi 29 janvier 2009

Chapitre III : Une Villa aux environs de New York

Karl et Pollunder arrivent en début de soirée à la villa de campagne de ce dernier, villa qui est en réalité un vaste manoir vétuste en cours de rénovation. Le chapitre en entier se déroule dans ce manoir et a des allures de vaudeville absurde, dans une ambiance parfois sinistre de film d’épouvante.

M. Pollunder présente Karl à sa fille Clara, une beauté capricieuse et enfant gâtée.

J’ai essayé de représenter Clara comme un vrai « pétard » (les Français diraient un canon), un peu dans l’esprit des pitounes de Will Eisner. Elle représente bien sûr une menace pour Karl. Pour sa robe, je me suis inspiré d’images de mode datant de 1919, même si le récit se déroule avant la guerre 14-18. C’est que Clara est une jeune femme moderne et délurée.


Un invité imprévu s’est joint au dîner : M. Green, qui s’est invité sans prévenir parce qu’il a à parler affaires avec Pollunder et aussi, on l’apprendra plus tard, parce qu’il a un message à livrer à Karl.




Au cours de la soirée, Clara joue au chat et à la souris avec Karl, Green se comporte en véritable goujat et Pollunder ignore totalement son invité, qui s’emmerde royalement et commence à regretter d’être venu. Clara invite Karl à faire le tour du propriétaire et l’emmène dans une partie de la maison où l’électricité n’est pas encore branchée.



Elle lui montre la chambre où il est censé passer la nuit, puis essaie de l’entraîner dans sa chambre à elle. Karl refuse. Une dispute s’ensuit, dispute qui tourne à la bagarre, bagarre où, contre toute attente, Clara a le dessus sur Karl, grâce à sa science du jiu-jitsu, science qui lui a été enseignée par Mack, compagnon d’équitation de Karl, lequel Mack se trouve, ô surprise, à être aussi le fiancé de Clara !




Dans le roman, la scène est censée se passer dans une obscurité totale, ce qui peut poser problème au dessinateur, s’il désire qu’on voie quelque chose de l’action. De plus, la pénombre peut parfois mal s’accorder à mon style plutôt ligne claire. Je me suis d’abord fié aux tons de gris, pour m’apercevoir que c’était insuffisant. J’ai donc retravaillé la scène sur Photoshop pour arriver à rendre un effet de clair-obscur. Il y a beaucoup de scènes du livre qui se passent dans la pénombre. Je dois dire que c’est celle-ci qui, de loin, m’a donné le plus de fil à retordre.


Clara laisse Karl seul dans la chambre, humilié et ulcéré. Celui-ci décide de repartir pour New York sans plus attendre. Mais il doit auparavant retrouver son chemin dans les interminables corridors obscurs de l’immense maison (on a vu sur le bateau, au premier chapitre, que Karl n’avait pas un très bon sens de l’orientation), avec une bougie pour tout éclairage.




Un courant d’air souffle la bougie et Karl se retrouve dans le noir total, jusqu’à ce qu’il soit secouru par un serviteur porteur d’une lanterne, qui le guidera vers la salle à manger.



Comme tel, le personnage du vieux serviteur est épisodique et très accessoire. Mais l’apparition de ce Diogène à longue barbe émergeant de l’obscurité, avec sa lanterne et ses vêtements d’un autre âge, a quelque chose de fantasmagorique.


Karl retrouve Pollunder dans la salle à manger et lui fait part, avec toute la diplomatie dont il est capable, de son intention de partir sur-le-champ, en omettant toutefois les détails de sa querelle avec Clara. Il fait valoir que, par égard pour son oncle et bienfaiteur, il se doit de rentrer au plus tôt, même si c’est en pleine nuit. Pollunder se montre compréhensif, mais explique à Karl que, le chauffeur n’étant plus en service et la prochaine gare se trouvant à plusieurs heures de marche, il ferait mieux d’attendre au matin. Mais Karl a pris sa décision : il veut partir tout de suite.

Green et Pollunder lui signalent que la plus élémentaire politesse lui commande d’aller auparavant prendre congé de Mlle Clara. Green ajoute qu’il doit être de retour à la salle à manger avant minuit, car il a un message à lui transmettre à ce moment. Karl obéit à contrecœur.

La jeune femme, qui s’apprêtait à se coucher, l’accueille dans son boudoir. Elle semble avoir tout oublié de leur dispute récente et demande à Karl de lui jouer quelque chose au piano. Celui-ci, plutôt embarrassé, exécute le seul air dont il se souvienne, la vieille marche militaire de son pays.



La pose de Clara ici n’est pas sans rappeler la statue de la Liberté, à cette différence près qu’elle ne tient pas une épée. Mais c’est tout comme...



Comme il finit de jouer, Karl entend des applaudissements et des commentaires sarcastiques provenant de la pièce attenante. Il reconnaît la voix de Mack qui, allongé dans le lit de Clara, a tout écouté. On comprend alors le manège de Clara, qui ne cherchait à attirer Karl dans sa chambre que dans le but de se payer sa tête, en s’amusant avec Mack de ses médiocres talents pianistiques. Le couple invite Karl à rester un peu.

Celui-ci, de plus en plus embarrassé, s’évade précipitamment, comme Cendrillon, en entendant sonner les douze coups de minuit.

De retour dans le corridor obscur, il se retrouve face à face avec Green, qui lui remet le message annoncé. C’est une lettre de l’Oncle annonçant à Karl que, comme il ne peut tolérer que ce dernier soit allé à l’encontre de ses désirs en acceptant l’invitation de Pollunder, il le met tout simplement à la porte.



On peut imaginer Karl atterré par la nouvelle. Mais Kafka, dans le roman, ne laisse rien voir de sa réaction. Il se remet très vite du choc, refusant de s’apitoyer sur son sort, et regarde résolument vers l’avant, même s’il n’a pas la moindre idée de ce qui l’attend.

J’ai donc choisi d’illustrer la scène en représentant de façon allégorique les hauts et les bas du destin de notre héros au moyen du jeu bien connu des Échelles et des Serpents (qui, d’ailleurs, existait déjà à l’époque). C’est un jeu très moral : on est récompensé pour nos bonnes actions, qui nous permettent de grimper les échelles, et on est puni pour les mauvaises, qui nous font descendre le long des serpents. Ici, Karl prend toute une débarque.


Green remet aussi à Karl la malle et le parapluie qu’il avait perdus sur le bateau à son arrivée et lui indique la sortie. Karl se retrouve donc à la case départ. Et c’est ainsi équipé qu’il quitte la maison où plus rien ne le retient et qu’il prend la route. Afin de mettre la plus grande distance possible entre lui et son oncle, il choisit, plutôt que de retourner à New York, d’aller dans la direction opposée.



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